Le taux d’inflation doit baisser pour que la BCE assouplisse sa stratégie monétaire. En fixant, dans ses prévisions, un taux moyen d’inflation à 2% en 2025, la banque centrale a envoyé le signal attendu par les investisseurs.
Pour autant, la question de l’inflation n’est pas réglée. Le partage de la valeur, en l’absence de croissance ou de récession, est conflictuel car aucun agent économique n’a la perception de tirer avantage de la situation.
D’autant que les tensions sur le marché du travail maintiennent un fort pouvoir de négociation aux salariés.
Dès lors, si l’inflation reste plus élevé que les prévisions de la BCE, faut il encore durcir le ton à Francfort ? La BCE ne paraît pas avoir de théorie de l’inflation qui aille au-delà des chiffres mis dans les projections. Cela parait un peu précaire.
Lors de la réunion de la BCE, le 7 mars, les investisseurs ont été soulagés par la nouvelle prévision de la banque centrale sur l’inflation. En 2025, celle-ci devrait revenir en moyenne à 2 %, soit la cible définie par la BCE, ouvrant alors la possibilité d’une baisse de ses taux d’intérêt, avant l’été.
Cette norme de stabilité des prix signale ainsi le retour à une forme déjà connue de l’équilibre macroéconomique et à une réduction de l’inquiétude globale.
On peut cependant se demander si caler les projections à 2 % est une prévision objective ou si elle traduit l’intention pour la BCE de se conformer aux attentes des investisseurs en espérant que la prévision se réalisera ex-post ? Ou encore que la baisse des prévisions valide la future baisse des taux d’intérêt nécessaire au regard de la conjoncture afin que la croissance médiocre ne se transforme en récession ?
L’inflation et l’absence de croissance posent la question du partage de la valeur
Deux remarques
L’idée d’une hausse temporaire de l’inflation a souvent été évoquée en 2021 et 2022 comme conséquence de la crise sanitaire et la nécessité d’une nouvelle adéquation entre l’offre et la demande. La discontinuité durant la pandémie a fait perdre des repères.
La demande plus vive, la hausse du prix de l’énergie, même avant la crise ukrainienne, et les disruptions dans les processus de production lors de la reprise (pas assez de semi-conducteurs pour construire des voitures par exemple) expliquent l’envolée des prix. Ces phénomènes se sont estompés, provoquant le repli de l’inflation. Aux US, le taux d’inflation hors logement augmente-t-il de 1.5 % à 2 % depuis juin 2023.
En Europe, le phénomène a été plus long à se résorber en raison, après l’invasion de l’Ukraine, de la crise énergétique qui s’est diffusée dans l’ensemble de l’économie, provoquant alors le durcissement de la politique menée par la BCE.
Comme, les gouvernements ont cessé d’être expansionniste en 2023, la politique économique globale a été restrictive provoquant la stagnation de l’activité. Depuis l’été 2022, le taux de croissance annualisé en zone Euro n’est que de 0.05%.
La croissance américaine (3% sur la même période) après la pandémie a été synonyme de relance budgétaire et de revenus plus élevés avec une hausse beaucoup plus rapide des bas salaires que des rémunérations plus élevées. Ce dernier aspect est le côté vertueux du cycle américain.
En zone Euro, la croissance ne prend pas le relais et n’offre pas des opportunités fortes. Il est généralement attendu que l’inflation se dissipe soit dans la croissance, la hausse de l’activité aiguillonnant les conditions de la concurrence, soit dans la récession avec un fort ajustement de l’activité à la baisse.
En zone Euro, il n’y a ni l’un ni l’autre.
Cet entre-deux pose alors une interrogation sur le partage de la valeur puisqu’aucun agent économique ne bénéficie réellement de la situation du moment.
L’inflation ralentit mais les prix restent élevés
La normalisation vers 2% du taux d’inflation n’est pas associée à une normalisation des niveaux de prix.
Depuis le premier trimestre 2021, juste avant le décollage de la hausse des prix, le prix de l’énergie en zone euro a augmenté, en février 2024, de 43.8 %, les prix de l’alimentaire de 24.8 %.
La bataille pour le partage de la valeur est engagée sur ce flanc aussi. On le voit en Allemagne avec les revendications salariales qui marquent la volonté et le besoin de rattrapage.
La situation est plus complexe que par le passé puisqu’en dépit d’une croissance très faible, le marché du travail reste très tendu. Le niveau d’emploi aurait dû s’ajuster à la baisse. Ce n’est pas le cas.
Depuis l’été 2022, l’emploi a augmenté de 1.3% à mettre en regard du 0.05% cité plus haut sur la croissance.
Les enquêtes auprès des entreprises suggèrent que si l’envie d’embaucher est moindre qu’après la sortie de la pandémie, elle n’a pas disparu.
En conséquence, l’asymétrie dans la négociation salariale reste plutôt du côté des employés puisque les entreprises ne veulent pas se séparer de leurs salariés en dépit du cycle économique médiocre.
Dès lors, les entreprises ne pouvant peser autant qu’elles le souhaiteraient sur les salaires s’ajustent sur les prix créant de la persistance dans l’inflation.
La bataille pour le partage de la valeur pourrait ainsi se traduire par une inflation plus durable en zone euro.
Et la BCE, si l’inflation dure ?
La politique monétaire de la BCE étant conditionnée par les données, elle doit attendre que l’inflation recule pour baisser ses taux d’intérêt.
Mais si la question du partage de la valeur devient conflictuelle et se traduit par une hausse plus durable des prix alors sa stratégie devra rester restrictive.
Ce serait alors prendre le risque de transformer la stagnation de l’économie en récession.
En indiquant que sa politique est conditionnée par les données, la BCE suggère qu’elle n’a pas de modèle clair en tête sur les causes de l’inflation et sur le modèle sous-jacent pour la résorber. Les statistiques de plus en plus fines sur la mesure de l’inflation sont utiles mais elles n’éclairent pas les décisions s’il n’y a pas de modèle cohérent dans lequel elles s’inscrivent.
Christine Lagarde peut lancer des pics à la clique des économistes qui ne comprennent pas le monde qui change.
Les économistes pourraient retourner le compliment à la banque centrale.
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Philippe Waechter est chef économiste d’Ostrum AM à Paris
La hausse des prix dépend de l'alimentaire et de l'énergie qui emploient très peu...
Le tensions sur le marché de l'emploi n'ont pas d'effet sur les sources de cette hausse des prix (ni d'ailleurs le prix de leur matières bruts. Ils payent moins chers ces produits bruts qu'avant la guerre en Ukraine, que ce soit les produits agricoles ou le pétrole et le gaz).
J'y vois un effet d'aubaine pour refaire les trésors de guerre dépensé pendant le Covid. Et je doute qu'une fois ces trésors reconstitué les prix baissent. Pourquoi arrêter quand personne ne t'empêche de continuer...
Donc non l'inflation ne baissera pas vite car elle ne dépend pas du marché du travail ni d'un rapport de marché libre tout court. ET ceci même avec un récession forte et longue.
Il s'agit d'une asymétrie de l'information sur les coûts de production de l'énergie et de l'alimentaire. Donc du marketing pas un équilibre de marché.
Pour l'alimentaire et l'énergie les prix vont se tasser car bien que personne ne sera en mesure de contester la non baisse des prix (asymétrie des l'information sur les effets de la guerre en Ukraine sur le prix des resources) cela va être de plus en plus difficile de justifier des hausses constantes des prix alimentaires et énergétiques alors que l'information sur le fait que les courts des resources est bas sera répandue.
Donc les autres prix vont augmenter, et même si les fournisseurs énergétiques et alimentaires vont tenter de garder l'avantage dans l'échelle de prix qu'ils ont acquis, ils vont se faire grignoter petit à petit. Les perdants seront ceux qui n'ont pas de marges de négociation pour être augmenté (quand on ne les paye pas moins tout court quand les prix augmentent). Les agriculteurs, etc
La pression salariale en France n'a d'impact que sur le prix des services. Les produits ne sont plus produit en France pour la très grande majorité. Il y a bien les produits agroindustriels et énergétiques mais leurs prix ne sont pas du tout corrélés à l'emploi. Et pour les matières permières leur prix peut même diminuer en période d'inflation (lait, céréales, bois, ...).
La Banque centrale peut nous plonger en récession pendant des années, cela n'influencera quasiment que les prix des services. Dont je serais interessé de connaître l'inflation depuis 2022 sue ces services mais je doute qu'elle ait été crititque. Notamment sur les télécommunicatoins qui a ma connaissance ont très peu répercuté la hausse des coûts.
Cela créera beaucoup de chômage et ne changera rien à l'inflation dans l'alimentaire et l'énergie (le prix du pétrole ne va pas baisser même si la France n'a plus personne qui travaille, l'alimentaire oui mais vraiment si plus personne n'achète et que les dirigeants de l'agroalimentaire se rendent compte qu'ils vont perdre la poule aux oeufs d'or, ce qui prendra plusieurs mois voir des années - ou plutôt cela demandera qu'ils soient remerciés et remplacés). Je doute que même avec des ventes en chute libre ils baissent leurs prix, ils vont même les augmenter pour compenser leurs baisses de volume.