Quid du prêteur en dernier ressort ?
Le conflit entre Israël et l’Iran n’a pas les effets attendus. Certes, le prix du pétrole a augmenté mais sans aller au-delà de son prix du début de l’année. Le dollar n’a pas servi de refuge. Généralement en cas de choc, les investisseurs se précipitent sur le billet vert considérant celui-ci comme un actif sans risque.
Il n’y a pas eu non plus d’impact significatif sur les taux d’intérêt de long terme ni aux Etats-Unis ni en Europe.
En fait, cela ressemble à un petit choc régional alors que la façon dont le conflit sera résolu aura un impact considérable. Et les investisseurs ne sachant pas la direction qui sera prise sont en position attente.
Deux remarques
• Le dollar se déprécie davantage affecté par les annonces potentielles de Donald Trump sur les tarifs douaniers qui seront mis en place en juillet que par la guerre. Le premier aurait des effets plus persistants !!!!
• Le prix du pétrole ne s’est pas envolé. Dans le FT ce week-end, un article indiquait que la hausse rapide annoncée de la production pétrolière pour juin par l’Arabie Saoudite n’est peut-être pas étrangère à ce mouvement trop rapidement amorti. Dans une telle situation, le risque d’embrasement de la région serait réduit.
Que se passerait-il en cas de choc plus marqué: deux dimensions
• La première dimension serait celle d’une hausse forte et durable du prix du pétrole. L’effet serait rapidement inflationniste. Généralement les banques centrales ne réagissent pas. Elles ne savent pas quel sera le prix du pétrole dans 3 ou 6 mois. Donc prendre position sur une hausse du prix du pétrole c’est prendre le risque d’être à contresens dans 3 ou 6 mois si le prix dégringole. En 2022, la Fed avait remonté ses taux sur la question des pénuries notamment dans les semi-conducteurs. La BCE n’est intervenue que lorsque la crise de l’énergie a pris un tour persistant avec la hausse conjointe des prix du gaz et de l’électricité.
Ce serait néanmoins pour la Fed une bonne raison de ne pas se précipiter pour baisser les taux d’intérêt.
• L’autre dimension est celle du prêteur en dernier ressort. Lors d’un choc négatif, la Fed réactive généralement des lignes de swap en dollar pour que personne ne manque de liquidités. Les transferts de dollars, monnaie refuge, sont alors considérables et le choc est étouffé. La coordination et la complémentarité des banques centrales ont ainsi joué leur rôle.
Mais que faire si les actifs US n’est sont plus perçus comme des actifs sans risque. Si le dollar n’est plus une monnaie refuge? La crise suivant le choc serait volatile et manquant terriblement de prédictibilité. L’impact serait brutal et persistant.
En outre, la Fed pourrait-elle avoir ce rôle de prêteur en dernier ressort face aux pressions de la Maison Blanche et alors que le monde est désormais moins coopératif ? Est quel jeu joueraient la BCE et la Banque de Chine? Les cartes seraient redistribuées avec des règles nouvelles à inventer et à écrire.
Philippe Waechter est chef économiste chez Ostrum AM à Paris