L'Europe face à elle-même
Le cap est franchi. Donald Trump a indiqué qu’il souhaitait, dès le 1er juin, des droits de douane à 50 % pour les produits provenant de l’Union Européenne. Ce droit, annoncé le 2 avril à 20 %, avait été revu en baisse à 10 % le 9 avril.
L’échelle est d’une ampleur sans précédent, mais la France est protégée. Ses exportations vers les USA représentent 1,5 % du PIB contre 4 % en Allemagne et 3 % en Italie.
Un droit de douane de 10 % aurait un impact un peu supérieur à 0,1 %. C’est limité. Avec un taux multiplié par 5, le choc sera de grande ampleur. On ne peut pas multiplier l’effet par 5, car les comportements seront forcément différents, notamment de la part du consommateur américain. Tout ne pourra pas passer par le prix, mais il y aura des effets sur les marges des entreprises et/ou sur des réductions de livraison outre-Atlantique.
Le modèle macroéconomique ne sera plus le même.
Cette relance des annonces sur les droits de douane entretient l’incertitude sur ce qui pourra être fait par la Maison-Blanche à l'avenir. Cela accentuera l’effet pénalisant sur l’investissement.
Un article publié ce matin dans le Financial Times faisait état d’une impasse dans la négociation entre Bruxelles et Washington, l’Europe ne voulant pas ouvrir son marché aux États-Unis comme le souhaiterait la Maison-Blanche. Le retour au taux de 20 % était évoqué et les négociateurs devaient se revoir dans un mois. Depuis, le temps s’est accéléré.
Ce changement d’attitude de Donald Trump valide la rupture entre l’Europe et les États-Unis. Il n’y aura donc pas de front commun contre la Chine. Le Vieux Continent se retrouve seul dans ce nouveau modèle de l’économie globale.
Dès lors, les priorités doivent être repensées et renforcées et la hiérarchie des politiques rediscutée.
Ce sujet souvent évoqué de l’autonomie est désormais là, face à nous, Européens.
L’enjeu est économique puisqu’il faudra amortir le choc initial des droits de douane et l’impulsion moindre en provenance du commerce international par la suite. Il faudra aussi faire face, seul, aux productions chinoises très bon marché
L’enjeu est politique aussi, car une telle attitude de la Maison-Blanche vis-à-vis des Européens laisse à penser que l’Otan est vraiment du passé et qu'il faut accélérer la dynamique militaire. Cela doit nous obliger à faire des choix plus radicaux sur les conflits en Europe et ne pas attendre qu’ils soient résolus par quelqu’un qui ne veut juste que ses richesses minières. L’Europe, c'est autre chose.
Les Européens doivent très vite repenser leur modèle. L’histoire s’est accélérée au-delà de ce qui était perçu. Il faut que l’Europe se concentre sur sa capacité à produire et à générer des revenus. Les priorités ne peuvent plus être les mêmes si l’objectif est de maintenir le bien-être des Européens. Les filets de sécurité de l’économie globale qui deviennent trop larges.
Des droits de douane à 50 %, c'est une forme de coup de tonnerre pour les Européens.
Philippe Waechter est chef économiste d’Ostrum AM à Paris