COP26 - Peut on réussir à Glasgow ?
L’approche de la COP26, qui se tiendra à Glasgow du 1er au 12 novembre, a remis en première ligne les discussions sur le changement climatique. Déjà, l’été dernier, le rapport du GIEC, publié le 9 août, avait fait l’effet d’une bombe. Il indiquait que sans aucun doute désormais, la hausse des températures provenait de l’activité humaine développée notamment depuis le début de la révolution industrielle. Il soulignait aussi le caractère irréversible de ce changement. Il ne pourrait y avoir de retour en arrière. C’est donc à la communauté humaine de changer de comportement pour que la vie reste soutenable sur terre.
Le rapport indique que la tendance à la hausse de la température moyenne va s’amplifier au risque de provoquer une situation inextricable avec des zones qui ne seront plus habitables, une forte montée des eaux avec des terres qui seraient engloutie, une acidification des océans et une accélération des évènements climatiques.
Le rapport montre également que le changement climatique va continuer encore pendant plusieurs années même si les comportements changent radicalement. Cela reflète les effets persistants et qui s’inscrivent dans la durée des Gaz à Effet de Serre. Il ne suffit pas de changer de comportement pour que la dégradation s’arrête spontanément et s’inverse.
Glasgow arrive aussi au moment où la reprise de la croissance internationale se traduit par un regain marqué de la demande d’énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon), des prix qui augmentent vite et des gouvernements aux aboies face à une telle situation qui grève le pouvoir d’achat des ménages. Cette reprise de l’activité va provoquer aussi une hausse exceptionnelle des émissions de Gaz à Effet de Serre.
La reprise prend à revers toutes les recommandations issues de l’Accord de Paris. Cela doit alimenter la réflexion entre la croissance et le dérèglement climatique.Tout l’enjeu des négociations et des actions relatives au changement climatique porte sur cet arbitrage. On peut être techno-optimiste en pensant que les innovations à venir permettront finalement de ne pas infléchir durablement la croissance. On peut aussi être décroissant pessimiste en jugeant que les excès accumulés doivent se traduire par un changement radical dans la façon de construire l’économie. Pour les premiers, la croissance est possible avec une réduction de grande ampleur des émissions et de l’utilisation des énergies fossiles. Pour les seconds, cela ne pourra pas fonctionner ainsi.
L’utilisation des énergies fossiles a été au cœur de l’activité depuis le début de la révolution industrielle. Elle reste encore largement au centre du modèle de croissance puisque ces énergies représentent encore plus de 80% de la consommation d’énergie. Dans le rapport du GIEC, il faudrait réduire cette part à 30% environ à l’horizon 2050. L’inversion de la logique qui prévalait jusqu’alors est le message majeur associé aux mesures à prendre pour lutter contre le changement climatique. C’est aussi une explication de l’inaction des gouvernements. Le coût associé pourrait être élevé et personne ne souhaite être celui qui a fait basculer l’économie.
L’économie doit changer et ce ne peut être une simple inflexion des comportements et des allures. La taxe carbone doit être appliquée partout et pour tout le monde pour éviter de reporter ailleurs la source d’émission. On ne peut délocaliser les productions polluantes pour s’acheter un tableau satisfaisant en matière d’émissions.
Si l’on souhaite converger vers 1.5°C, des ruptures sont à venir. A nous de les rendre collectivement compatibles avec le bien-être macroéconomique et l’emploi.
Collectivement, la prise de conscience s’accroit. Elle est nourrie par l’accumulation rapide d’évènements climatiques majeurs observés dans le monde entier. Les dômes de chaleur persistants, les feux gigantesques ou encore les pluies torrentielles accompagnées d’inondations exceptionnelles ont jalonné ces derniers mois et ont montré la réalité du changement climatique. Même si ce sont des évènements désagréables c’est aussi un moyen de convaincre de la réalité de la question du climat.
Cette prise de conscience est nécessaire alors que la température moyenne du globe n’est pas encore à la cible de ce qui est considéré comme tolérable. L’objectif pour la température du globe est de 1.5°C, elle est actuellement entre 1.1 et 1.3°C. LE virage a prendre est redoutable.
Les gouvernements sont certainement coupables de cette situation de plus en plus contraignantes. Les engagements pris lors de l’Accord de Paris n’ont pas été respectés. Tous, la main sur le cœur, étaient alors prêts à faire les efforts nécessaires pour que les objectifs soient remplis. Mais il est plus facile de faire une photo que de satisfaire aux engagements pris.
Cette situation est grave car le non-respect des Nationally Determined Contributions (NDCs) et les engagements insuffisants qui ont été pris pour les années qui viennent font que les émissions de GES n’ont pas du tout l’allure souhaitée.
Un récent rapport de l’ONU sur les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) qui sont sur une trajectoire de +16% entre 2010 et 2030 contre un repli de -45% nécessaire pour converger vers la cible de 1.5°C à l’horizon 2050. La trajectoire actuelle mène sur une température qui se rapproche de 3°C en 2100.
Dans les engagements nouveaux qui ont été déjà déposés pour les cinq prochaines années, les pays développés apparaissent un peu plus volontariste que les pays en développement.
L’Union Européenne a défini un objectif de baisse des émissions de GES de -55% en 2030 par rapport à 1990 et les USA de -50% par rapport à 2005 au même horizon de temps. La Chine a défini un objectif de neutralité carbone pour 2060 avec un pic d’émission autour de 2030. Cependant, la Russie, l’Indonésie, le Mexique et le Brésil n’ont pas d’ambitions ambitieuses pour les années à venir et l’Inde reste bien silencieuse sur les engagements qu’elle pourrait prendre. (Ces 5 pays représentent 18% des émissions de GES en 2019)
Pour l’instant, au regard des données disponibles, la probabilité d’une température durablement inscrite à 1.5°C au dessus de la moyenne préindustrielle est actuellement de 5%. La probabilité d’être au-dessus de 2% est supérieure à 50%.
Glasgow va devoir prendre en compte tous ces éléments plus la dimension financièrepuisque dans l’Accord de Paris, l’aide nécessaire des pays développés aux pays en développement était réaffirmée. Les engagements ne sont tenus qu’à hauteur de 80% (80 Mds par an sur un engagement de 100) sachant que ces montant sont bien insuffisants au regard de la bataille à venir dans les pays en développement.
C’est pour cette raison que la réunion de Glasgow est essentielle; soit il est admis qu’il n’y a pas de volonté commune pour infléchir et le réchauffement continuera, soit il est décidé d’infléchir la trajectoire globale pour limiter ce réchauffement climatique et les effets délétères qu’il pourrait avoir. L’enjeu est celui du coût à mettre en œuvre pour converger vers un environnement soutenable. Celui-ci augmente très rapidement avec le temps qui passe. Il est déjà beaucoup plus important qu’il aurait été si les investissements avaient été faits à la suite du rapport Stern en octobre 2006.
La discussion à Glasgow sera importante à plusieurs titres outre ceux qui ont déjà été évoqués et qui sont majeurs.
Le premier point portera sur la nécessité de faire baisser la consommation des énergies fossiles. Elles représentent encore plus de 80 % de la consommation et doivent tomber entre 20 et 30 selon les études au moment de la neutralité carbone.
Le second point sera la réduction de la consommation d’énergie. Dans le rapport publié par RTE sur les trajectoires possibles pour converger vers la neutralité carbone, il est indiqué que, pour la France, la consommation d’énergie devrait être réduite de 40% à l’horizon 2050. Cette situation ne concernera pas que la France. Qui paiera ce repli de la consommation ?
La question du méthane devra aussi être abordée puisque son impact sur le réchauffement climatique est plus important que le carbone mais avec une durée de vie dans l’atmosphère qui est plus réduite.
Le dernier point qui avait été plutôt bien géré en 2015 est l’opposition potentielle entre pays développés dont la croissance depuis plus de 200 ans a alimenté l’atmosphère en carbone et les pays en développement qui souhaitent pouvoir se développer même si cela se traduit par un cout élevé en terme de carbone. Les pays développés ne sont plus les plus gros contributeurs de GES (23% pour l’UE et les US) mais le stock existant est la résultante de leur croissance.
L’optimisme qui prévalait après l’Accord de Paris n’est plus de mise. Des efforts importants vont devoir être faits pour contraindre les effets puissants du changement climatique. C’est pour cela que c’est avant tout un choix politique parce qu’individuellement chacun est incapable de faire face au défi.
Il y a quatre questions politiques majeures
La première est celle de prendre des mesures contraignantes maintenant pour une situation qui ne prendra réellement forme que dans le futur. C’est une décision impossible à l’échelle de l’individu. Ce choix est encore plus complexe lorsque les personnes affectées dans le futur n’appartiennent pas à la même nation.
Le deuxième choix politique est de ne pas faire le calcul cynique qui oppose la contrainte qu’un pays aurait à émettre moins et le coût qui retombera sur le pays en question du fait de l’impact des émissions. Le choix politique égoïste est de considérer qu’un pays peut émettre tant que le coût supporter est plus faible que le coût associé à une réduction des émissions.
Le troisième choix politique reflété dans le rapport de RTE est celui de savoir qui paiera la note associée à la baisse de la consommation d’énergienécessaire à la convergence vers la neutralité carbone. Est ce que la facture sera équitablement répartie ou pas ?
Le dernier choix politique est celui d’inscrire l’investissement public dans la recherche comme prioritaire pour permettre de trouver les innovations qui permettront de rendre plus efficientes les énergies alternatives et celles qui capteront et séquestreront le CO2.
Chaque citoyen du monde est concerné par le changement climatique même si les décisions politiques seront majeures. Chacun peut trier ses déchets et éviter de partir en vacances en avion à l’autre bout du monde (éclusant ainsi en un seul vol son budget carbone cohérent avec la transition énergétique d’au moins une année). C’est essentiel mais il faut aller plus loin et prendre les décisions politiques qui sont compatibles avec cette transition pour que collectivement le basculement soit effectué.
La mise en place à grande échelle des mesures pour lutter contre le changement climatique est probablement le bouleversement le plus important que le monde ait connu.
La révolution industrielle ne concernait qu’un petit nombre de pays, en Europe essentiellement. Elle s’est ensuite diffusée dans la durée.
Le changement climatique impose à tous et à tous les pays de changer de régime de croissance et de mode de fonctionnement dans une durée très courte.
C’est le plus beau des défis, le plus formidable mais aussi le plus risqué que l’Homme ait eu à prendre. C’est maintenant qu’il faut agir pour qu’il ne soit pas trop tard.